L’histoire

1604 – 1713 : L’Acadie française

L’Acadie française est fondée en 1604, suivi de l’établissement de Port-Royal (1605), Beaubassin (1671), Grand-Pré (1682), Chipoudie-Petcoudiac (1698), l’Ile St-Jean (1720) et d’autres communautés d’ancienne Acadie (l’actuelle Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et l’Île-du-Prince-Édouard). À Terre-Neuve, les Français établissent une colonie dans la baie de Plaisance (1662), alors que des pêcheurs français fréquentent déjà une partie importante du littoral de l’île depuis le début des années 1500. Les Acadiens, conscients qu’ils ne peuvent se fier complètement à la France, décident de s’autogouverner. Des délégués sont nommés annuellement parmi les hommes propriétaires terriens jouissant d’une bonne réputation.

1713 – 1749 : L’Acadie anglaise

Le traité d’Utrecht, signé en 1713, fixe le statut de l’Acadie de la Nouvelle-Écosse continentale et de Terre-Neuve, dont le contrôle passe définitivement au Royaume-Uni. Le Cap-Breton (Ile Royale) et l’Île-du-Prince-Édouard (Ile Saint-Jean) demeurent sous contrôle français, alors que le territoire français de l’actuel Nouveau-Brunswick est contesté. Les Britanniques permettent aux Acadiens de rester, moyennant la signature d’un serment d’allégeance. Les Britanniques décident de conserver le système des délégués acadiens. Ces délégués gouvernent les affaires locales et servent d’intermédiaires entre le gouvernement et la population. Ce système favorise la paix, en plus d’améliorer l’estime des Acadiens pour leurs institutions et leurs droits.

1749 – 1780 : La conquête anglaise et le Grand Dérangement

L’Acadie, depuis rebaptisée « Nova Scotia », est l’objet d’un nouveau plan de colonisation de la part de l’Angleterre qui construit la Citadelle d’Halifax en 1749. La colonie compte désormais 15 000 habitants de descendance française qui jouissent pour la plupart d’une certaine aisance matérielle. Percevant l’essor des Acadiens comme une menace à leur plan de colonisation, les autorités britanniques entament leur expulsion systématique en août 1755. C’est le début du Grand Dérangement qui verra le peuple acadien déraciné, dispersé et condamné à errer pendant des décennies. Plus du tiers de la population périt en mer ou, dépourvu de tous moyens, succombe aux maladies et à la famine.

1780 – 1856 : Les Provinces Maritimes

Le traité de Paris de 1763 assoit définitivement le contrôle britannique sur l’Acadie et le Canada. De nombreux Acadiens reviennent d’exil, mais leurs terres ont été cédées aux Anglais. Ils deviennent ensuite minoritaires à la suite de l’arrivée massive d’immigrants britanniques et de Loyalistes à partir de 1783. En 1800, les Acadiens sont pour la plupart illettrés en raison de l’application de lois les empêchant d’ouvrir des écoles. Bien que la Déportation ait détruit les bases de leur société, les Acadiens continuent de se réunir pour faire valoir leurs droits. À partir des années 1780, ils obtiennent graduellement des droits de concession leur donnant la permission légale d’occuper leurs terres. Pendant près d’un siècle, par contre, ils préféreront pour la plupart rester à l’écart de la société, désormais craintifs en raison des séquelles de leurs épreuves.

1856 – 1914 : La Renaissance acadienne

À partir de 1856, les Sœurs de la Congrégation de Notre-Dame fondent des couvents-écoles à Arichat, en Nouvelle-Écosse; à Miscouche, à Tignish et à Rustico, à l’Île-du-Prince-Édouard; de même qu’à Saint-Louis de Kent et à Caraquet, au Nouveau-Brunswick. Ces couvents-écoles forment des institutrices bilingues pour les écoles acadiennes. Le Collège Saint-Joseph pour jeunes garçons ouvre ses portes à Memramcook en 1864, suivi d’un premier Couvent pour jeunes filles en 1873. En Nouvelle-Écosse, le Collège Sainte-Anne, de Pointe-de-l’Église, accueille ses premiers élèves en 1891. Ces institutions offrent une éducation supérieure en français, favorisant la politisation des Acadiens. À partir de 1870, les Acadiens deviennent majoritaires dans certains comtés. Ils seront élus et siégeront pour la première fois au sein d’Assemblées législatives des Provinces Maritimes ainsi qu’à la Chambre des Communes et au Sénat canadien. Les Conventions nationales acadiennes, dont la première a lieu en 1881, constitue un moment important dans la renaissance acadienne. L’élite se sert de ces événements rassemblant des milliers de personnes pour développer la culture acadienne mais aussi sa propre influence. Les symboles de l’Acadie sont adoptés lors de ces conventions; la fête nationale du 15 août (1881), le drapeau et l’hymne national de l’Acadie (1884), la Société de l’Assomption (1890, rebaptisé plus tard la Société Nationale de l’Acadie – SNA) ainsi que la nomination d’un premier évêque acadien (1912). En 1903, un groupe d’Acadiens émigrés en Nouvelle-Angleterre fondent, au Massachusetts, la Société mutuelle l’Assomption. Cette société de secours mutuel veut améliorer les conditions socioéconomiques dans lesquelles vivent les communautés acadiennes. En 1910, la Société possède 97 succursales réparties dans les provinces Maritimes et aux États-Unis. En 1913, son siège social est transféré à Moncton.

1914 – 1949 : Les deux guerres mondiales

À partir de la Première Guerre mondiale, la représentation des Acadiens à l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick est généralement proportionnelle, une démarche qui tardera à devenir réalité ailleurs en Acadie du Canada atlantique. Comme partout au pays, les Acadiens sont appelés à faire leur part et à se porter volontaires dans l’armée canadienne, mais ses structures se révèlent peu invitantes pour ceux qui sont de langue française et de religion catholique. Afin de remédier à cette situation, l’élite acadienne décide d’offrir à l’armée de créer un bataillon d’infanterie entièrement acadien. Au prix d’efforts soutenus et de nombreuses difficultés administratives, plusieurs centaines de jeunes hommes seront recrutés dans un bataillon acadien mis sur pied en 1915. Durant les années 1920 deux congrégations religieuses de souche acadienne sont fondées, qui viendront à jouer un rôle de premier plan dans l’enseignement, les soins de santé et le développement culturel en Acadie: les Filles de Marie-de-l’Assomption (1922) et les Religieuses Notre-Dame-du-Sacré-Coeur (1924). Par ailleurs, les années 30 sont marquées par l’émergence du mouvement coopératif en Acadie. Les caisses populaires se multiplient dans les communautés acadiennes, d’abord dans le nord-est du Nouveau-Brunswick, puis dans le reste de la province et ailleurs. Ces caisses visent à favoriser l’accès à l’épargne et au crédit pour les Acadiens, dont la plupart pratiquent la pêche, l’agriculture ou la coupe du bois. Les travaux de construction de l’imposante cathédrale Notre-Dame de l’Assomption de Moncton, appelée Le Monument de la Reconnaissance, sont entamés en 1937 et complétés à l’automne de 1940. Durant la Deuxième Guerre mondiale, les Acadiens participent à l’effort de guerre, bien qu’une majorité de la population s’oppose à la conscription comme beaucoup d’autres francophones au pays. À partir des années 1950, l’Acadie passera graduellement d’une société principalement agricole et rurale à une société industrielle et plus urbanisée.

1949 – 1993 : L’après-guerre et la deuxième Renaissance acadienne

Le collège Notre-Dame-d’Acadie ouvre ses portes à Moncton en 1949 et offre un enseignement supérieur en français aux jeunes Acadiennes pour la première fois en Acadie. L’année 1955, qui coïncide avec le 200e anniversaire de la Déportation, marque le renouvellement du mouvement de revendications collectives acadiennes. La croissance démographique fait passer la proportion d’Acadiens de 25 à environ 37 % entre 1901 et 1961 au Nouveau-Brunswick, leur permettant de pouvoir faire d’importants progrès comparativement à ceux des autres Provinces Maritimes. Louis J. Robichaud est élu premier ministre du Nouveau-Brunswick en 1960, l’Université de Moncton est fondée en 1963, le programme « Chances égales » adopté en 1967 et la Loi sur les langues officielles adoptée en 1969, permettant aux Acadiens de ne plus vivre en marge de la société anglophone. En Nouvelle-Écosse et à l’Île-du-Prince-Édouard, les Acadiens et les Acadiennes accélèrent aussi leur intégration à la vie politique de leur province. Le Parti acadien est fondé en 1972, dont l’un des principaux projets consiste à scinder le Nouveau-Brunswick pour y créer une province acadienne. La SANB est fondée en 1973 et organise en 1979 la Convention d’orientation nationale (CONA). Les premiers Jeux de l’Acadie ont également lieu en 1979. En 1981, l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick adopte la Loi 88, qui reconnaît, pour la première fois, l’égalité de statut des Acadiens en tant que communauté linguistique et qui engage le gouvernement provincial à protéger et promouvoir le développement de cette communauté. En 1993, cette obligation sera inscrite dans la Constitution du Canada (article 16.1). Les parents acadiens de la Nouvelle-Écosse s’adressent à la Cour suprême pour que les droits en matière scolaire englobent celui à la gestion des écoles et obtiennent gain de cause. À l’Île-du-Prince-Édouard et ailleurs, des communautés en appellent aussi à la Cour suprême pour forcer le gouvernement provincial à construire des écoles de langue française pour leurs enfants. Ces progrès rejaillissent sur l’ensemble des communautés francophones minoritaires du Canada, notamment à Terre-Neuve et Labrador qui se voient ainsi confirmés ces mêmes droits.

1993 – 2018 : Les Congrès mondiaux acadiens et l’ère de l’information

Le mouvement de fierté acadienne connait un important essor avec la tenue du premier Congrès mondial acadien (CMA) en 1994 dans le sud-est du Nouveau-Brunswick. Il a pour objectif de rassembler la diaspora acadienne répartie aux quatre coins du monde dans des retrouvailles, qui donnent lieu à une série de rassemblements familiaux, conférences et spectacles. Le VIIIe Sommet de la francophonie se tient ensuite en Acadie en 1999 (Moncton), réunissant les chefs d’états de 52 pays, suivi du 2e CMA en Louisiane. En 2004, l’Acadie toute entière fête son 400e anniversaire, son 3e CMA en Nouvelle-Écosse et tient une Convention nationale à Dieppe. En 2005, la SNA souligne la commémoration du 250e anniversaire de la Déportation et siège désormais à l’Organisation internationale de la francophonie en tant que membre de la délégation d’accompagnement du Canada. La décennie qui succède à l’élection du gouvernement Harper à Ottawa en 2006 coïncide avec un refroidissement des relations entre le Canada et la communauté acadienne et un certain essoufflement du nationalisme en Acadie. La période est aussi marquée par un déclin démographique et une faible fécondité du peuple acadien, l’exode continue des régions rurales au profit de centres urbains tels Dieppe et Halifax, le départ d’une génération de grands bâtisseurs, des défis de financement et des transitions difficiles au seins d’organismes acadiens ainsi que l’assimilation progressive de l’Acadie à l’ère de la société de l’information.